Vers une céramique québécoise écoresponsable : le projet

J'ai travaillé fort pendant une bonne partie de l'année 2024 pour monter ce projet, afin d'obtenir du financement pour pouvoir aller de l'avant... Et ça y est! C'est grâce à une première bourse du Conseil des Arts et des lettres du Québec que je peux poursuivre mes recherches afin de rendre ma pratique, et nos créations, plus écoresponsables. Ce projet vise notamment l'exploration de matériaux locaux et le recyclage de la céramique finie et du plâtre. Il est déjà amorcé depuis le début de janvier et se poursuivra, en parallèle de la production à l'atelier, jusqu'en septembre 2025. J'avais envie de prendre le temps de vous en parler davantage aujourd'hui...

Comme j'en ai déjà parlé ici, en tant que céramiste vivant de sa production utilitaire, je n'ai jamais été à l'aise avec le fait que ma pratique génère des déchets qui durent des millénaires. L'absence de recyclabilité du matériau céramique m'a toujours dérangée. De plus, en étudiant la provenance des matières premières que j'utilise quotidiennement dans l’atelier, je me suis vite aperçue du manque de transparence de certaines compagnies minières, rendant la traçabilité souvent difficile, voire impossible (voir ma publication La traçabilité). Ayant malgré tout constaté que la majorité des matières viennent des États-Unis, vu le poids écologique du transport, l'utilisation de matières locales devient la voie logique. Je vise donc le développement de nouvelles recettes de pâtes céramiques, de barbotines de coulage et de glaçures intégrant des matières premières de proximité. Mes intérêts de recherches se concentrent sur les matériaux de mon environnement immédiat, dont les résidus de mon propre atelier.

Ce projet se divise en 4 phases :
-Recherche documentaire;
-Cueillette et transformation de matières premières locales;
-Exercices de laboratoire en atelier;
-Écoconception et prototypage.

Mes recherches et expérimentations porteront sur les axes suivants :
-Le recyclage de la céramique finie et du plâtre provenant de ma production;
-La valorisation de matières résiduelles domestiques comme matières premières;
-Les matériaux locaux.

Le recyclage de la céramique et du plâtre
À travers mes lectures sur le sujet, j'ai découvert qu’il est possible de recycler la céramique et le plâtre, contrairement à ce qu'on m'avait toujours dit durant mes études. Ailleurs dans le monde, certaines entreprises ont même réussi à entièrement réintégrer leurs rebuts céramiques dans leur production. Pourquoi cette pratique n'est-elle pas plus répandue chez les artisans d'ici? À Québec, la céramique et le plâtre finissent au site d'enfouissement. À mon échelle de production, je désire donc introduire la recyclabilité de la céramique afin d'appliquer le principe de circularité, et ainsi revaloriser mes rebuts pour ajouter davantage d’authenticité et d’éthique à mon travail.

Des déchets domestiques comme matières premières
Nous connaissons de mieux en mieux les impacts négatifs potentiels liés à l’extraction industrielle des matières premières vierges; contamination de l'air et de l'eau à proximité des mines et carrières, destruction des milieux naturels et de la biodiversité, problèmes de santé chez les mineurs et les populations, pollution due au transport, etc. Afin d'en réduire l'achat, j’envisage plusieurs matières alternatives. Les cendres peuvent être un matériau intéressant, pouvant remplacer jusqu'à 50% de matières vierges dans les glaçures. Dû à notre réalité nordique, le chauffage au bois est encore répandu et le sujet des glaçures aux cendres est déjà bien documenté en tant que technique traditionnelle. De plus, les coquilles d'œufs et les coquillages peuvent aussi être utilisés comme sources de calcium dans les glaçures et sont également des matières abondantes et faciles à trouver.

Les matériaux locaux
Extraire soi-même ses matières premières réduit son impact environnemental. Le céramiste Julien Cloutier (Matériaux du céramiste québécois, 1985) partageait le fruit de ses recherches dans un ouvrage détaillé à propos des minéraux locaux, de leur prospection, leur extraction et leurs applications. Malgré son âge, ce document spécifique à notre territoire est une référence importante pour mon projet. Il m'est primordial de m’initier à la minéralogie afin d’identifier roches et minerais, particulièrement liée à la géologie locale (rayon maximal de 150 km de mon atelier), ainsi qu’aux bonnes pratiques et aux législations en vigueur. Certains déplacements sont prévus afin de faire des prélèvements variés.

Pour terminer, j'expérimenterai dans mon propre atelier avec les matières récoltées en nature et les rebuts de ma production (céramiques déclassées). J’appliquerai les méthodologies de recherche établies en chimie des argiles et des glaçures.

L'écoconception et le prototypage
La céramique étant un univers de chimie et de physique appliquées, je fais moi-même la recherche et la mise au point; résolution de problèmes techniques des argiles, interaction des matériaux dans le développement de nouvelles glaçures, etc. Les conséquences des changements climatiques, mais aussi les problèmes d’approvisionnements découlant de la pandémie de 2020, me poussent à diminuer ma consommation de ressources et à investiguer des alternatives aux matériaux céramiques commerciaux conventionnels. Mon but étant de prioriser les matières et techniques ayant le moins d'impacts négatifs, je prévois m'intéresser d'abord aux matériaux récupérés, puis aux matériaux extraits localement. 

Souhaitant un équilibre entre la qualité et la durabilité de ma céramique et la diminution de la quantité de ressources et d'énergie utilisées, je prévois explorer une température de cuisson plus basse ainsi que la monocuisson, procédé consistant à émailler sur cru pour ainsi éliminer la cuisson dégourdi.  Après l’obtention de résultats concluants, mes recherches passeront à la conception et au prototypage de nouveaux objets utilitaires.

Ce projet marque un point tournant dans ma pratique. Je vise non seulement à trouver des façons d'améliorer ma production actuelle en minimisant son impact environnemental, mais également à développer des prototypes pour une nouvelle collection de céramiques utilitaires en série limitée (écoconception). Étant de mon époque, je sens la nécessité de revoir foncièrement la manière dont je conçois mes céramiques. En faisant passer l'écoresponsabilité en priorité dans ma démarche, c'est un véritable changement de paradigme qui s'opère.

Vous pourrez suivre l'évolution de ce projet juste ici dans ce blogue, où je documenterai mon processus de recherche et partagerai les connaissances acquises en cours de route. Vous pouvez également vous abonner à mon infolettre qui vous tiendra au courant des nouvelles publications sur ce blogue.

Merci de me suivre et bonne lecture!

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